Les maisons en turf islandaises sont remplies d’histoire. Il y a peu d’endroits où j’aime autant tricoter que dans la baðstofa – la pièce principale où l’on travaillait, filait, tricotait, mangeait, dormait, où l’on naissait et mourrait -, entourée des souvenirs de temps révolus, rappelant à la mémoire vieilles traditions de tricot et contes. Lors de mes voyages de tricot, j’ai souvent emmené mes tricoteuses dans l’exceptionnellement bien préservée ferme en turf de Austur-Meðalholt au sud de l’Islande, où l’un de mes parents, l’artiste Hannes Larússon, a grandi jusqu’à l’âge de 9 ans.
Cent ans auparavant, on comptait en Islande environ 100 000 fermes en turf. Malgré leur apparence primitive, ces constructions faites de ce que l’on avait sous la main, turf, gazon et caillou soigneusement sélectionnés, étaient méticuleusement conçues afin de les intégrer parfaitement au relief et protéger ses habitants d’un climat et environnement hostiles. Peu d’architectures sont en si complète harmonie avec la nature. Les premières structures se sont développées petit à petit de manière organique sous forme de groupuscules faits de plusieurs maisons en turf collées les unes aux autres – parfois plus de 20 -, et reliées les unes aux autres, ce qui permettait par exemple de nourrir les animaux ou d’utiliser le petit coin sans avoir besoin de mettre le nez dehors dans le froid! Le mot bær en islandais veut d’ailleurs dire à la fois ferme et hameau.
Aujourd’hui, moins d’une centaine de fermes sont encore debout. En d’autres termes, 99,9 % ont tout simplement disparu… La cause en est probablement la modernisation et le peu d’estime dans lequel les maisons en turf étaient – et sont encore aujourd’hui – tenues par certains islandais. Associées avec une extrême pauvreté et des temps difficiles, perçus par certains comme honteux, ces constructions, qui demandaient un travail d’entretien relativement fréquent, étaient, une fois abandonnées, condamnées à une destruction rapide, et il n’a pas fallu longtemps pour que tremblements de terre et catastrophes naturelles les fassent disparaître définitivement de la surface de la terre.
Passionnés et engagés, Hannes et son épouse Kristín ont consacré leur vie à la préservation de cet héritage culturel que sont les vieilles maisons en turf. Après de nombreuses années de tenacité et travaux colossaux, ils ont transformé le site de la vieille ferme de Austur-Meðalholt en une remarquable institution culturelle, Íslenski Bærinn – la ferme islandaise. A la fois un lieu d’exposition, d’information et d’enseignement, cet ambitieux projet encourage la recherche des méthodes de construction, des origines, du contexte culturel et de l’importance contemporaine de la maison en turf islandaise. Il reste déconcertant qu’une entreprise de si large envergure à valeur globale ait été initiée par des personnes privées et je porte à Hannes et Kristín une immense admiration. L’institution a été officiellement ouverte au public le week-end dernier à l’occasion du vernissage d’une exposition de photographies reflétant la beauté et l’économie de la maison en turf. L’exposition est installée de façon permanente dans un bâtiment écologique durable construit par Hannes avec des matériaux recyclés et suivant de nombreux préceptes des constructions en turf.
Si vous en avez l’occasion, je ne peux que vivement vous recommander de visiter cet endroit éblouissant et si paisible. Vous m’y trouverez parfois, tricotant dans le confort de la vieille ferme en turf avec un groupe d’autres passionnées du tricot…
A bientôt !